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Suivre la faune coprophile : un enjeu pour la Réserve... Copro quoi !? On vous explique

Vous avez peut-être remarqué des piquets installés en plein milieu des prés de la réserve au printemps. Les voici de retour à l'automne ! La raison ? Nous menons une étude sur les coléoptères coprophiles dont la particularité est de dépendre des déjections animales pour se nourrir, se reproduire ou abriter leurs larves. On vous en dit + !

Les coprophages, ce sont les animaux qui se nourrissent de matières fécales. Parmi eux, les coléoptères jouent un rôle essentiel dans le processus de recyclage de la matière, l’aération des sols, la lutte contre les parasites et … ils participent aussi à la ressource en nourriture. Les blaireaux vous le diront, rien de tel que retourner une crotte fraiche pour trouver quelques bousiers croquant à se mettre sous la dent. La décomposition des bouses par les insectes coprophiles est un processus écologique naturel essentiel au bon fonctionnement des prairies, à la bonne santé des troupeaux et de l'ensemble de la faune de ces milieux.

C’est pourquoi, au printemps et à l’automne, ne soyez pas surpris de trouver des piquets de clôtures avec une ballotine flottant au vent, nous leurrons quelques coprophages pour pouvoir les identifier en laboratoire par la suite dans le cadre d'une étude !

Le changement climatique et les modifications des pratiques d’élevage (charge animale, rotations, introduction de nouvelles espèces, etc.) transforment progressivement les écosystèmes prairiaux. Dans ce contexte, les insectes coprophiles (et notamment les coléoptères) jouent un rôle écologique majeur et sont des indicateurs fiables de la qualité des milieux. Leur diversité, leur abondance et la composition en espèces des groupes présents sur la réserve reflètent directement l’état des prairies et pelouses.

=> Un déclin ou un changement dans ces communautés peut signaler une perturbation des cycles de la matière (décomposition, recyclage de la matière organique), une altération de la structure des sols ou encore des déséquilibres affectant d’autres groupes (oiseaux, microfaune, flore, etc.).

Les objectifs de cette étude sont multiples :

  • Caractériser la communauté d’insectes coprophiles présente sur la réserve (nombre d’espèces, abondance de chacune, répartition spatiale) et en particulier les coprophages (c’est-à-dire ceux qui se nourrissent des matières fécales).

  • Évaluer les liens entre leur dynamique et les pratiques pastorales (intensité de pâturage, type de troupeaux, gestion des parcelles).

  • Identifier des leviers d’action pour améliorer la gestion des sites, préservant à la fois la biodiversité et les services écosystémiques rendus par ces insectes.

Pour parvenir à ces objectifs, nous capturons des individus grâce à des piégeages standardisés de 48 heures lors des périodes les plus actives pour ces espèces. Nous réalisons deux sessions par an sur deux ans. Les échantillons collectés sont ensuite :

1) Triés par guildes écologiques et par taille :

  • Coprophages (qui se nourrissent exclusivement de déjections),

  • Prédateurs (chassant d’autres insectes dans les déjections),

  • Nécrophages ou parasites (selon les espèces associées).

2) Identifiés en laboratoire : chaque individu (des centaines par dispositif et des milliers par session !) est déterminé à l’espèce ou au genre.

Cette étape cruciale permet d’analyser :

  • La biomasse : quel poids représentent les différentes guildes ?

  • La richesse spécifique : combien d’espèces et de familles sont présentes ?

  • La structure des communautés : quelles espèces dominent ? Lesquelles disparaissent ? La répartition spatiale et temporelle des espèces change-t-elle dans le temps ?

Parmi les coprophiles, une attention toute particulière sera portée aux coléoptères coprophages (c’est-à-dire ceux parmi les coléoptères coprophiles qui se nourrissent des déjections). En effet, par leur rôle dans la dégradation de la matière et leur sensibilité, ils sont un indicateur fondamental de la santé des milieux qu'ils occupent :

- Spécialistes vs généralistes : certaines espèces ne survivent qu’avec les déjections d’un seul type de bétail (équin, ovin, caprin, bovin, etc.).

- Sensibles aux conditions microclimatiques : sécheresse, humidité excessive, type de sol (argileux, sableux)… Leur répartition varie finement avec ces paramètres, faisant d’eux des indicateurs précoces de perturbations environnementales.

- Impactés par les pratiques d’élevage : les vermifuges (antiparasitaires donnés au bétail) peuvent décimer certaines populations en s’accumulant dans les bouses (telle que l’ivermectine, dont la rémanence dans l’environnement est très longue et la toxicité accrue).

Les données issues de cette étude nous permettront d’adapter la gestion de la réserve (ex. : modifier les rotations de pâturage pour préserver certaines espèces), d’alimenter des programmes de conservation (la protection réglementaire de certaines espèces n’est pas applicable sur les coléoptères coprophiles mais elle peut l’être pour leurs milieux), et de sensibiliser à l’importance des espèces invisibles ou moins médiatisées que les espèces très connues de la réserve (telles que le Hibou Grand-Duc ou le Sonneur à ventre jaune). Sans eux, c’est pourtant tout l’équilibre des prairies qui se dégrade – avec des conséquences en cascade !

Dans certains pays, dont fait partie l’Australie, l’absence de coléoptères spécialistes des mammifères placentaires (mammifères dont l’embryon se développe entièrement à l’intérieur de l’utérus de la mère, grâce à un organe appelé le placenta) en raison de la présence historique et quasi exclusive de marsupiaux (mammifères possédant une poche externe pour la poursuite de la croissance des embryons) a conduit à plusieurs problématiques : accumulation des déjections, appauvrissement des habitats, pollution des eaux et des sols, ainsi qu’une augmentation d’espèces de diptères problématiques (p. ex. : miases, etc.).

En conséquence ? L’introduction (coûteuse et risquée !) par les autorités de nombreuses espèces issues d’autres pays pour pallier aux problématiques écologiques, sanitaires et économiques liées à l’absence des coléoptères coprophiles (en particulier coprophages) !

Le rôle de ces espèces, pourtant prépondérant, est encore insuffisamment pris en compte dans la conservation des espèces et des habitats naturels. Sur la réserve, nous souhaitons donc y remédier !


Pour aller encore plus loin

Dortel, E., Thuiller, W., Lobo, J. M., & al. (2013). Potential effects of climate change on the distribution of Scarabaeidae dung beetles in Western Europe. Journal of Insect Conservation, 17, 1059–1070. https://doi.org/10.1007/s10841-013-9590-8

Duenas-Rojas, A., Cuesta, E., Parmentier, L. M., Leite, A., Borges, P. A. V., & Santos, A. M. C. (2025). Dung beetles of Azorean cattle-grazed pasturelands: Data of the DUNGPOOL project. Biodiversity Data Journal, 13, e163289. https://doi.org/10.3897/BDJ.13.e163289

Errouissi, F., Alvinerie, M., Galtier, P., Kerbœuf, D., & Lumaret, J.-P. (2001). The negative effects of the residues of ivermectin in cattle dung using a sustained-release bolus on Aphodius constans (Duft.) (Coleoptera: Aphodiidae). Veterinary Research, 32, 421–427.

Hajji, H., Janati-Idrissi, A., Zamprogna, A., Serin, J., Lumaret, J.-P., Kadiri, N., Pérez Vila, S., Gleeson, P. V., Wright, J., & Caron, V. (2025). Filling the spring gap in Southern Australia: Seasonal activity of four dung beetle species selected to be imported from Morocco. Insects, 16(5), 538. https://doi.org/10.3390/insects16050538

Lewis, M. J., Didham, R. K., Evans, T. A., & Berson, J. D. (2024). Experimental evidence that dung beetles benefit from reduced ivermectin in targeted treatment of livestock parasites. Science of the Total Environment, 945, 174050. https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2024.174050

Lumaret, J.-P., & Errouissi, F. (2002). Use of anthelmintics in herbivores and evaluation of risks for the non-target fauna of pastures. Veterinary Research, 33, 547–562.

Pecenka, J. R., & Lundgren, J. G. (2019). Effects of herd management and the use of ivermectin on dung arthropod communities in grasslands. Basic and Applied Ecology, 40, 19–29. https://doi.org/10.1016/j.baae.2019.07.006


Galerie photos

A la recherche de déjections fraiches de brebis pour réaliser les ballotines qui seront disposées dans les parcs à moutons
Dispositif de prélèvement
Tri en cours sur un dispositif

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